Au menu du Conseil communal du 24 février 2014 : le SDER et la ligne 42 !

Voici mon compte-rendu tel qu'il a été publié dans l'Annonce de Vielsalm.

C’est une séance du Conseil communal animée qui s’est tenue ce 24 février. La première partie de mon compte-rendu se limitera aux débats sur le projet de SDER (le Schéma de Développement de l’Espace Régional) et la place controversée qu’il réserve à nos communes et à la ligne 42

Des débats un peu longs, mais qui permettent d’alimenter la réflexion sur l’avenir de notre région et sur la place de la ruralité sur le plan du développement économique, social et culturel.

Avis sur le projet de SDER

Quelques explications tout d’abord…

Le lecteur trouvera à la fin de ce compte-rendu un lien vers le site du SP Wallonie (pour découvrir le projet de SDER) et vers le site d'Idelux (pour prendre connaissance de son avis).

La Wallonie révise le Schéma de Développement de l'Espace Régional (SDER), dont la version précédente datait de 1999.

Le projet de SDER proposé par le Gouvernement wallon, à l’initiative du ministre Henry, a pour ambition de « dessiner le cadre de vie quotidien de tous les Wallons » et faire face notamment à l’augmentation de la population dans les années à venir, laquelle nécessitera près de 115.000 nouveaux logements d’ici 2020 et 320.000 nouveaux logements d’ici 2040 (réhabilitation de bâtiments et construction de nouveaux logements).

Comme l’indique le site Internet du Service Public de Wallonie, le SDER "exprime les options d´aménagement et de développement durable pour l´ensemble du territoire de la Wallonie". Il sert de référence pour les décisions concernant l´habitat, l´implantation des activités économiques, la mobilité, la conservation de la nature, la gestion des paysages, etc.

Le projet de SDER propose « un projet de territoire ouvert et partagé » reposant sur « une vision pour le territoire wallon à l´horizon 2040 en vue de rencontrer les défis démographiques, sociaux, économiques, énergétiques et climatiques ».

 Il  se veut respectueux du caractère pluriel de la Wallonie et ne comporte pas moins de 100 objectifs au service du bien-être des citoyens et de la vitalité des entreprises, articulés en 4 piliers, avec de nombreuses mesures concrètes :

- pilier I : répondre aux besoins des citoyens en logements et en services et développer l´habitat durable ;

- pilier II : soutenir une économie créatrice d´emplois en exploitant les atouts de chaque territoire ;

 - pilier III : mieux aménager le territoire pour permettre le développement de transports durables ;

- pilier IV : protéger et valoriser les ressources et le patrimoine.

La proposition d’avis soumise aux conseillers…

 

(la ruralité est une réalité...)

C’est le bourgmestre Élie Deblire qui lance le débat en en lisant et commentant la proposition d’avis négatif soumise aux conseillers.

Cette proposition de délibération 

- s’inquiète du statut du SDER (document d’orientation ou document contraignant ?) ;

-  marque son désaccord avec la définition des territoires centraux où peuvent se concentrer les logements, les services de proximité et les transports, en estimant qu’il appartient aux communes de les définir et en s’inquiétant du risque de voir une forte augmentation de la pression sur les valeurs foncières de terrains à bâtir qui seraient pour la plupart limités aux territoires centraux (dans notre commune, Vielsalm et Grand-Halleux si l’on s’en tient à la définition du SDER) ;

- conteste une notion de « territoires ruraux » qui nie les dynamiques spécifiques de la ruralité et ses besoins de développement économique au travers de pôles économiques ruraux;

- n’accepte pas la définition restrictive du bassin de vie proposée par le SDER ;

- regrette que l’aire rurale transfrontalière qui caractérise les zones frontalières entre la Province de Luxembourg et le Grand-Duché et son impact économique soient sous-estimés ;

- dénonce le fait que la Province de Luxembourg n’est même pas reprise comme pôle touristique majeur et le peu d’importance accordée par le SDER à la mobilité en zone rurale ainsi qu’à la ligne 42 tant en ce qui concerne le transport de personnes que le transport de marchandises.

L’avis dénonce une série de faiblesses supplémentaires dans le projet de SDER en ce qui concerne, dans nos zones rurales, le rôle des parcs naturels, les technologies de la communication et les réseaux de fibres optiques et d’approvisionnement en énergie.

L’avis proposé souligne notamment que « le développement économique, l’avenir des espaces ruraux, la réalité et les apports de l’agriculture wallonne sont réduits à une portion très limitée dans le document ce qui constitue aux yeux de notre Conseil, un manquement important dans le projet de SDER. »

Intervention de François Rion…

François Rion s’adresse tout d’abord au bourgmestre : « Votre présentation est faite avec une certaine retenue. Cela permettra de discuter plus sereinement qu’en séance de la Commission consultative communale de l’aménagement du territoire et de la mobilité où j’ai entendu des argumentations plus véhémentes. »

Le conseiller Ecolo poursuit ensuite son intervention : « On sait que la population va augmenter très fort dans les années qui viennent et qu’à l’horizon 2040, il faudra 320.000 logements en plus ce qui nécessitera l’occupation de beaucoup d’espace. Jusqu’à présent, cette occupation de l’espace se fait de manière anarchique. Ne prenons que l’exemple du zoning de Burtonville.

Le projet de SDER se base sur certains constats intéressants portant sur l’existence de pôles densément peuplés et de pôles secondaires. Je comprends mal que l’on veuille modifier une situation qui existe. 

Pour ce qui est de la valeur de ce document, il est évident qu’il ne sera pas contraignant. Ce ne sont pas des textes de loi. C’est un schéma avec des intentions d’orientation et d’aménagement à côté duquel va prendre place le nouveau code de du développement territorial qui va remplacer le CWATUPE. Pourquoi se focaliser sur la valeur de ce document ? C’est un schéma qui servira de référence, qui aura une valeur d’orientation, sans plus.

Il y a un grand débat sur la notion de territoires centraux et de pôles. Le moteur du SDER, c’est de limiter l’éparpillement de l’habitat notamment le long des grand-routes et de combattre le coût excessif de cet éparpillement. 

À Vielsalm, il n’y aurait que deux pôles : Vielsalm et Grand-Halleux. Pour le bourgmestre, tous les villages devraient être des pôles. Je ne demanderais pas mieux, mais c’est totalement impossible.

À l’heure actuelle, on constate une déliquescence de l’offre de services. À Grand-Halleux, on n’a même pas pu maintenir un point Poste. Le fait de déterminer un pôle, c’est justement de se donner la possibilité de conserver une bonne offre de services. Ce n’est pas pour rien que l’on a fait glisser le Home du CPAS du village de Provedroux vers le centre-ville. Et on critique à présent cette idée de centralité ! J’ai du mal à comprendre cette contradiction ! 

La remarque du bourgmestre concernant la définition trop limitée du bassin de vie, je veux encore bien l’admettre. Mais je suis surpris ! En effet, lors de la séance de la commission consultative communale de l’aménagement du territoire et de la mobilité, j’ai enregistré un forcing généralisé en faveur du bassin de vie de la Province de Luxembourg. Et on nous refuse ici de nous associer à un bassin de vie avec St-Vith parce qu’on y parle l’allemand ! Alors que les gens d’Aubange critiquent le fait que leur commune n’est pas reprise comme pôle principal au sein d’une grande agglomération transfrontalière avec le Grand-Duché!

C’est absolument faux de dire qu’il n’y a pas de perspectives de développement touristique dans la Province de Luxembourg. C’est faux aussi de soutenir que l’agriculture n’est pas prise en compte dans le projet de SDER.

On veut aussi densifier l’habitat pour protéger notre agriculture ! »

François Rion évoque le développement économique et la mobilité : « Je suis évidemment sensible à l’économie. Mais avec le bourgmestre qui est aussi président d’Idelux, on n’arrivera jamais à avoir un compromis sur le type de développement économique. Et donc, je m’adresse à présent au président d’Idelux, Idelux qui a fait le forcing pour que ce projet de SDER soit rejeté.

Il y a eu récemment une émission sur les pains qui sont fabriqués en Pologne et vendus chez nous. Ma conception de l’économie, c’est qu’on fasse nos pains ici et qu’on les mange. Idelux par contre nous dit : faisons notre pain et vendons-le aux Polonais !

Idelux décerne le Godefroid de l’économie à une entreprise qui fait des montres de toutes les couleurs. Je ne comprendrai jamais ce type d’économie.

J’ai également lu dans l’avis d’Idelux qu’elle réclamait une place prépondérante pour la Nationale 89 comme axe de développement. C’est relancer le projet de liaison autoroutière entre la Baraque de Fraiture et St-Vith ! Et tout cela, pour réparer les erreurs liées à l’implantation du zoning de Burtonville ! C’est là le type de développement que nous propose Idelux et que nous refusons.

C’est vrai que le projet de SDER a pour origine un ministre écolo et que certains ont du plaisir à tirer dessus pour ce motif!

Pour ce qui est de la mobilité, je suis moi aussi frustré que la ligne 42 ne soit pas citée dans le SDER.

On nous garantit des projets d’investissement pour 298 millions d’euros pour les lignes de chemin de fer jusqu’en 2025. La ligne 42 est retenue dans ces projets pour y achever les travaux d’infrastructure, porter la vitesse de circulation à 100 km/h et renforcer notamment la gare de Trois-Ponts.

Laisser tomber la ligne 42 n’est pas à l’ordre du jour. Et s’il est vrai que dans le projet de SDER, il est projeté de rouvrir certaines anciennes lignes transformées en Ravel, serait-ce un énorme péché que de le faire ? On ne va quand même pas s’en plaindre. 

Je suis favorable à ce texte même s’il n’est pas parfait. Je m’étonne que chaque fois qu’un texte vient d’un ministre écolo, il y ait un déchaînement de feu d’enfer contre ce texte ! C’est faux de dire qu’on y oublie la ruralité ! »

(... plus complexe qu'on ne l'imagine parfois!)

Intervention de Christophe Bleret…

Christophe Bleret : « Antoine Becker et moi-même allons voter contre le projet de SDER. Le SDER est évidemment nécessaire, mais il ne peut figer les choses pour autant. Ce projet a coûté près d’un million d’euros ! 

Qui a dit : j’espère que les communes ne vont pas voter pour ce brol ? C’est le président d’IDELUX qui est aussi notre bourgmestre.

Le forcing fait par Idelux est dérangeant. Au nom de la déontologie et de l’éthique, je vous demande, Monsieur le bourgmestre, de ne pas participer au vote sur le projet de SDER. Il y a au moins chez vous apparence de conflit d’intérêts.

En ce qui concerne le projet de SDER lui-même, je partage les critiques d’Idelux. Pour ce qui concerne la mobilité, je rejoins également les critiques d’Idelux et du bourgmestre, mais pourquoi, Monsieur le bourgmestre, refusez-vous que la Commune de Vielsalm s’engage dans l’élaboration d’un plan communal de mobilité, comme je vous l’ai demandé au début de cette législature ? »

Intervention de Jacques Gennen…

Jacques Gennen : « Pour ce qui est du texte proposé par le Collège, je m’y rallie. J’aurais sans doute écrit les choses autrement à certains endroits ou utilisé parfois d’autres termes. Mais bon, ce texte a le mérite d’exister. Il est bon sur le fond et c’est ce qui compte.

 Il reprend d’ailleurs bon nombre de critiques émanant d’Idelux et que je partage. Il fait bien entendu référence à l’avis négatif bien motivé de la CCATM, la Commission consultative communale de l’aménagement du territoire et de la mobilité.

Je trouve que François Rion a parfois des propos qui relèvent de la caricature. Ainsi, je n’ai pas senti qu’en séance de la CCATM, on y faisait du forcing. Au contraire, plusieurs membres de la CCATM ont eu des interventions très intéressantes. C’est vrai qu’elles étaient, sauf celle de François Rion, fort critiques vis-à-vis du projet de SDER.

Je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai développés en séance de la CCATM. Je n’en retiendrai qu’un qui, à lui seul, justifie qu’on émette un avis négatif sur le projet de SDER.

C’est le fait que notre ligne 42 est quasiment absente de ce projet. Elle n’y est pas reprise ni comme liaison internationale ni comme liaison ferroviaire régionale structurante. Elle est à peine citée comme liaison ferroviaire complémentaire. 

Les défenseurs du projet de SDER voient notamment une garantie du maintien de la ligne 42 lorsqu’il est question de rouvrir la ligne Malmedy – Trois-Ponts. C’est bien peu de choses.

Je veux insister sur l’importance de cette ligne 42 pour notre région. Je ne peux pas me contenter d’une ou deux lignes sans consistance à son sujet. 

La ligne 42 est un élément structurant de notre vie économique et sociale, pour nos navetteurs et pour les touristes notamment de même que pour le transport de marchandises. Son rôle est minimisé par le projet de SDER alors que ce dernier estime pourtant que Vielsalm doit renforcer son attractivité résidentielle et qu’elle dispose d’un capital touristique à amplifier ! 

La ligne 42 ne peut pas être isolée des autres éléments du SDER. Elle doit en être au contraire une colonne vertébrale. François Rion évoque des investissements et des garanties d’entretien jusqu’à 2025. Mais 2025, c’est demain. Et après ? Cette interrogation sans réponse et le peu d’importance que le SDER accorde à la ligne 42 me suffisent pour justifier un avis négatif de mon groupe ! »

Jacques Gennen termine son intervention en faisant allusion aux remarques d’Idelux concernant la manière dont le projet de SDER semble concevoir la ruralité. Idelux relève le risque de voir les territoires ruraux réduits « aux seules fonctions de valorisation des ressources naturelles et d’accueil d’activités dérangeantes ou grandes consommatrices d’espace à bon marché. »

Réplique d’Élie Deblire à François Rion et à Christophe Bleret…

Élie Deblire : « J’attire votre attention sur le fait que l’Union des villes et communes de Wallonie estime que des permis pourraient être refusés comme contraires au SDER.

Je n’ai pas écrit que tous les villages devraient être des pôles, mais j’ai exprimé le souhait que des jeunes puissent y vivre. Pour ce qui est du bassin de vie, je n’ai pas dit que le bassin de vie devait être celui de la Province de Luxembourg, mais que Vielsalm pouvait faire partie de plusieurs bassins de vie selon les domaines d’activité.

Quant à la ligne 42, Jacques Gennen en a suffisamment démontré l’importance et le peu de place que le projet de SDER lui réserve. 

En ce qui concerne le transport de marchandises, à quoi pense donc le gouvernement wallon ? Nous avons une zone d’activité économique de 80 ha sur le territoire de la Commune de Gouvy qui est reliée au rail et elle n’est même pas reprise dans le projet de SDER ! C’est vrai qu’Idelux a souhaité remettre un avis issu de réflexions collectives pour rencontrer le souhait des communes luxembourgeoises d’être aidées dans leur réflexion et leur analyse du projet.

Je vous rappelle, Monsieur Bleret que j’ai l’aménagement du territoire et l’urbanisme dans mes attributions communales. C’est à ce titre que je vous ai proposé ce document. En séance de la CCATM, j’ai l’obligation d’assister aux séances de la CCATM et je n’y ai qu’une voix consultative. Je ne suis même pas le premier à être intervenu lors de cette séance et il y a eu des prises de parole extrêmement intéressantes comme l’a aussi souligné Jacques Gennen.

Quand on parle de la RN 89, ce n’est évidemment pas pour y développer un contournement qui traverserait notre commune. Ce qui est visé, c’est l’axe Champlon – Bouillon qui est particulièrement intéressant du point de vue de l’activité économique. »

Suite du débat…

François Rion s’adresse au bourgmestre : « Je suis très surpris et déçu de deux attitudes : une attitude particulièrement doucereuse comme aujourd’hui alors que, quand vous n’étiez pas en public, en séance de la CCATM, vous avez flingué le projet de SDER avec des mots à la limite de la correction. Vous avez entamé la séance en tirant à boulets rouges dessus ! »

Élie Deblire : « Ce n’est pas vrai ! »

François Rion : « Mais vous avez tiré le penalty pour gagner. Vous connaissez les techniques pour rallier les gens à vos idées ! 

Le problème, c’est qu’Idelux a une certaine vision du développement et s’est donné une vocation de spéculateur immobilier qu’elle veut privilégier. Il y a aussi une richesse agricole et forestière dans notre province, mais, pour Idelux, ce n’est pas rentable ! »

Élie Deblire revient sur les propos de François Rion critiquant la remise d’un Godefroid par Idélux à l’entreprise Ice Watch de Jean-Pierre Lutgen : « Les « Godefroid » sont des trophées décernés à des entreprises de tous les domaines d’activité pour leur donner et donner à notre province une vitrine positive sur les plans social et culturel de même qu’en matière de développement durable. Vous n’épinglez qu’une entreprise qui ne vous plaît pas ! »

On en reste là et on passe au vote : La proposition d’avis présentée par le Collège est adoptée par les conseillers de la majorité ainsi que par Christophe Bleret et Antoine Becker. Catherine Désert et François Rion votent contre la proposition.

Motion concernant la ligne 42

Dans la foulée des débats sur le projet de SDER, le bourgmestre présente une proposition de motion qui défend à nouveau la ligne 42 et par laquelle le Conseil communal exprime son inquiétude quant aux conséquences du dernier plan de la SNCB tout en dénonçant certains dysfonctionnements constatés sur cette ligne, le risque de remise en cause de certains horaires et le peu de confort de certaines voitures. 

On sait que le Gouvernement fédéral, à l’initiative du ministre Jean-Pascal Labille, a rejeté ce projet, pour l’instant. Mais…

Jean Briol demande une ouverture plus tardive de la gare (laquelle est déjà fermée à 14h).

Élie Deblire lui rappelle qu’une motion portant notamment sur une telle demande a déjà été adoptée par le Conseil communal. On va relancer la SNCB.

Jacques Gennen s’inquiète du sort réservé aux différences de tarifs entre la Belgique et le Grand-Duché, lesquelles obligent quasiment les navetteurs de nos communes à aller prendre le train à Trois-Vierges pour réduire leurs coûts de déplacement.

Élie Deblire : « Il n’y a rien de réglé ! »

Jacques Gennen demande que cette revendication soit rappelée dans la motion et qu’elle fasse l’objet d’un suivi.

Moyennant les modifications proposées, la motion est adoptée à l’unanimité.

Jacques Gennen 

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