Le Conseil communal de Vielsalm contre les expulsions d’enfants de demandeurs d’asile

(Au centre Fedasil de Bovigny, élèves en partance pour l'école...)

En séance du Conseil communal du 24 mars 2014, le conseiller Ecolo François Rion a pris l’initiative de proposer une motion contre l’expulsion d’enfants de demandeurs d’asile scolarisés dans nos établissements scolaires.

Une initiative positive qui a donné lieu à un mini-débat que vous retrouverez, ainsi que le texte de la motion, dans mon compte-rendu de la séance du Conseil communal publié sur ce site.

Cette séance avait lieu au lendemain du premier tour des élections municipales en France et de la confirmation de la montée en puissance du Front National dont l’idéologie raciste est bien connue. Une situation qui a aussi motivé mon collègue à proposer sa motion.

Les droits de l'homme en question !

Comme je l’ai souligné dans le débat, il y a eu, ces dernières années, une dégradation des droits de l’homme dans les pays européens et même chez nous,  sans parler du reste du monde.

Le jeudi 27 février 2014, le Parlement européen adoptait une résolution condamnant notamment « les tendances préoccupantes des violations des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne, notamment en matière d'immigration et d'asile, des faits de discrimination et d'intolérance, notamment vis-à-vis de certaines populations (minorités et migrants), ainsi que dans les domaines de la sécurité et du terrorisme, de la liberté de la presse, de la libre circulation au sein de l'Union et des droits sociaux et syndicaux » . 

Le Parlement constatait également que « les États membres adoptent de plus en plus souvent des attitudes qui font obstacle au respect de ces libertés et droits fondamentaux, notamment en ce qui concerne les Roms, les femmes, les LGBT, les demandeurs d'asile, les migrants et les autres catégories vulnérables de la population ». Il émettait bien entendu une série de « recommandations » à la Commission et au Conseil de l’Union européenne.

Dans un article sur le même registre publié par la Revue nouvelle en février 2014, Alexis Deswaef, le président de la Ligue des droits de l’homme, n’est pas tendre avec l’État belge et souligne diverses atteintes aux droits de l’homme en 2013.

Les réfugiés afghans et les autres...

Je rappelle qu’en février 2014, 28 députés européens dénonçaient les désastreuses conditions de vie d’enfants afghans campant avec leurs parents dans l’église du béguinage à Bruxelles.

C’est grâce à une belle mobilisation citoyenne et à plusieurs manifestations et marches de solidarité qu’un certain nombre de demandeurs d’asile afghans ont pu obtenir un réexamen de leur dossier et bénéficier de décisions de reconnaissance du statut de réfugié ou d’octroi de la protection subsidiaire.

Mais il n’y a pas que des réfugiés afghans ! Et il y a même des citoyens européens, des travailleurs salariés, qui n’ont plus droit de cité dans notre pays parce qu’ils ont des moyens de subsistance insuffisants, parce qu’ils constituent une « charge déraisonnable » pour l’Etat !

Comme l’écrivait, avec l’humour grinçant qu’on lui connaît, Claude Semal dans Marianne (édition belge) du 17 janvier 2014, « la cruauté le dispute ici à l’imbécillité. Car quand on aura chassé tous les Italiens et les Français « pauvres » de Belgique (et récupéré en retour, bien sûr, tous les Belges « pauvres » de France et d’Italie), on sera budgétairement arrivé à un jeu à somme nulle. »

« La loi est la loi » dit et répète Maggie De Block. Mais il y a aussi dans la loi des règles qui permettent une interprétation des situations et une souplesse dans l’application des critères. Et si la loi est indigne, il faut la modifier !

Oui, dans ce dossier des Afghans, la ministre et le gouvernement lui-même ont manqué tout simplement d’humanité.

La pétition lancée par la communauté éducative de l’Institut du Sacré Cœur de Vielsalm ne manque pas de rappeler que les quatre jeunes filles de cet établissement menacées d’expulsion – sinon expulsées à l’heure où ces lignes sont écrites - sont enracinées sur le territoire belge depuis de nombreuses années et vivraient une telle expulsion comme un nouvel arrachement. Sans compter que leur retour dans leur pays d’origine présente de nombreux dangers, souligne encore cette motion.

Nul doute que ces expulsions ou menaces d’expulsions d’enfants auront été l’occasion dans les établissements scolaires concernés d’une réflexion et de débats sur les droits de l’homme, sur la question des migrations et sur le vivre ensemble, sur le profond traumatisme qu’est l’exil pour les demandeurs d’asile et leurs familles.

Et peut-être cette réflexion et ces débats auront-ils été nourris par le film « La Cour de Babel »  le beau documentaire sur une classe d’accueil d’enfants immigrés, de Julie Bertucelli.

L'exil, un déracinement vertigineux... 

Et pour terminer, quelques mots encore sur l’exil. Ils sont de l’écrivain et philosophe togolais Sami Tchak : « C’est d’abord quitter un univers mental. Une position en interaction très précise au sein d’une société où notre arbre généalogique est connu, où l’on est identifié à une famille, une lignée, un quartier, un village, une tribu. Où l’on se sent maillon d’une longue chaîne solide et historique. 

Et voici que nous brisons la chaîne ! Qu’il nous faut gérer notre destin. Accepter l’idée que nous sommes désormais des anonymes, que notre histoire n’a plus de sens. Et ce déracinement vertigineux ne fait que s’accentuer avec le temps. » (Le Monde, 16 mars 2013)

Jacques Gennen, 6 avril 2014

Pour lire ou relire l'article d'Alexis Deswaef (« La Belgique en 2013 : combien de droits fondamentaux SACrifiés ? »), cliquez ici.

 Pour en savoir plus sur le film "La Cour de Babel", cliquez ici pour découvrir ou redécouvrir le bel article qu'Olivier De Bruyn lui a consacré sur rue99.nouvelobs.com.

Pour prendre connaissance du bulletin d'information de mars 2014 de Fedasil Bovigny, cliquez ici.