Bruxelles qui chante, Bruxelles qui pleure, Bruxelles qui vit…

(Dans les rues de Bruxelles, de la musique, encore et toujours...)

Je vous vois déjà hausser les épaules : quoi ? Encore un édito larmoyant ou donneur de leçon ? Encore un avis d’expert ou d’un Monsieur je sais tout ? 

Mais non, rassurez-vous. Il se fait que j’étais à Bruxelles le week-end précédant le 22 mars pour faire découvrir quelques coins de notre belle capitale à des proches.

Nous étions basés du côté de la place Sainte-Catherine, près du quartier Saint-Géry et du Beursschouwburg. Le vendredi, en sortant de l’hôtel, on aurait pu parcourir la rue Dansaert et, après avoir franchi le canal, visiter par exemple le MIMA ou la Maison des cultures et de la cohésion sociale créée en 2006 à l’initiative de Philippe Moureaux.  Ce sera pour une autre fois. On a préféré déguster quelques huîtres à La Mer du Nord (mais non, pas à la côte ! Place Sainte-Catherine !) et manger ensuite dans un restaurant thaï, à deux pas.

Ensuite, direction place des Martyrs, Cathédrale des saints Michel et Gudule (pour assister à une répétition de chant), Grand-Place (évidemment) pour nous retrouver ensuite devant la terrasse d’une vieille taverne bruxelloise, le Poechenellekelder. Et là, je me suis joint à une bande d’anciens étudiants chantant à tue-tête quelques belles pages du Petit Bitu, ce recueil de chansons étudiantes que j’ai toujours chez moi à portée de main. On a terminé cette journée dans une bonne brasserie.

(Oui, c'est moi, avec ma casquette, pour une interprétation d'anthologie du "De profundis morpionibus" dont je vous épargne les paroles...)

Le samedi, on a flâné, tranquilles, visité une petite expo avant de prendre la direction de la rue Haute (un pèlerinage, j’y ai travaillé quelques années, au siège de la FGTB nationale) et du Parvis St-Gilles pour terminer la journée par un apéro au café de la Brocante et un petit repas dans un restaurant libanais de la rue Haute. On y a croisé une petite troupe de jeunes parents qui, avec leurs enfants, se rendaient à une soirée masquée.

Dans les conversations entamées ou surprises ici et là, il y avait des notes d’espoir et de confiance en des jours meilleurs. Les gens étaient-ils rassurés par le tweet de l’ineffable Bart De Wever posté après l’arrestation du terroriste Salah Abdeslam le vendredi même (« Le ministre de l’Intérieur Jan Jambon avait promis de nettoyer Molenbeek. Il a tenu parole. »)? Non bien sûr… C’était plutôt l’arrivée timide du printemps qui remontait le moral.

J’aime bien Molenbeek (qui ne se résume pas à un nid de terroristes). J’aime bien Bruxelles, cette ville cosmopolite (la 2e du monde après Dubaï, paraît-il…) et ouverte sur le monde,  ses artistes, musiciens et chanteurs issus de la diversité et d'une belle mosaïque culturelle, son Kunstenfestivaldesarts, son Festival des Libertés, sa Zinneke Parade… 

Sans oublier pour autant que Bruxelles est aussi une ville qui concentre le chômage et la pauvreté  pour près d’un tiers de ses jeunes et de sa population. 

Il ne suffira pas, comme le font les touristes qui souhaitent faire un voeu, de caresser le gisant d’Everard de 't Serclaes pour voir Bruxelles se porter mieux et y régler la question sociale. La balle est dans le camp de tous les politiques, à quelque niveau que ce soit.

Le dimanche 20 mars, j’ai rejoint la manifestation de Tout Autre Chose - Hart Boven Hard et sa bouffée d’air frais et de renouveau.

Près de 30.000 jeunes et moins jeunes de toutes origines ont revendiqué un changement de société, plus de justice sociale et fiscale, des services publics plus performants et plus proches des citoyens, du lien social plus que jamais…

Un week-end chargé donc de balades bruxelloises bien différentes de mes balades ardennaises, mais toujours riches de découvertes !

Et puis, il y a eu ce terrible 22 mars 2016 ! Au moment d’écrire ces lignes, je découvre un billet de Jean-Jacques Jespers que je reproduis tel quel et que je fais mien.

« Mes réserves d'empathie et d'émotion sont épuisées, comme celles de beaucoup d'entre nous. Mais les médias et leurs commentateurs trop loquaces continuent de puiser, puiser... Et pendant ce temps-là je n'entends personne reconnaître que dans tout ce qui arrive, des bombes humaines jusqu'aux lamentables ratés des enquêtes en passant par la panne du réseau Astrid, la principale responsabilité revient aux politiques d'austérité menées par les gouvernements européens depuis des dizaines d'années. Des politiques néolibérales qui ont amputé sans discontinuer les investissements publics, ce qui a non seulement entraîné le délabrement des infrastructures, mais aussi réduit progressivement à la misère, à l'impuissance ou à la marchandisation l'enseignement, la formation, les services sociaux, la justice, les services de renseignement, la police, les médias publics, les CPAS, les hôpitaux, les administrations... et jusqu'aux missions diplomatiques. Et voilà que les dirigeants qui ont délibérément provoqué cette situation se déchargent de leur responsabilité sur les lampistes forcés de se contenter des miettes et les accusent publiquement de manquer de "proactivité" ou "d'engagement"... Il me restait une goutte d’écœurement, la voilà versée. »

Je ne peux terminer ce petit édito sans une nouvelle pensée émue pour les victimes d’ici ou d’ailleurs tuées ou blessées par ces actes terroristes, en particulier pour Lauriane Visart de Bocarmé, brillante et sympathique juriste à l’Union Nationale des Mutualités socialistes, avec une pensée pour leurs familles aussi.

Je retiendrai ces mots du papa de Lauriane :

« Dans le futur, si l’on veut un monde différent, il faut le respect et la tolérance. Je ne veux pas faire du pathos, mais il faut aussi de l’amour. Et l’on doit bien cela à toutes les Lauriane du monde entier. »

Jacques Gennen, 26 mars 2016