L’école du dehors : une autre vision de l’enseignement !

C'est la rentrée scolaire depuis quelques jours et c'est aussi une bonne occasion de publier l'article consacré par Jérôme Derochette à l'école du dehors (numéro 23 du mensuel salmien Les Nouvelles de Salm, janvier 2023).
J.G. 

L’école du dehors : une autre vision de l’enseignement !

Jérôme Derochette

Elles sont trois. Brigitte Delhalle, Mélody Noupré et Nathalie Vonèche. Trois institutrices communales motivées et animées par une vision commune. Ensemble, elles ont décidé de proposer un enseignement différent à Rencheux et à Hébronval, soutenues par leur collègue Françoise Monfort.

L’école du dehors, c’est un ensemble varié de pratiques éducatives et pédagogiques, une plongée dans l’environnement naturel, dont nous vous avions déjà parlé, dans les grandes lignes, au sein du numéro 16. 

C’est une philosophie pédagogique qui a le vent en poupe et qui se développe, çà et là. À Vielsalm, grâce à Brigitte, Mélody et Nathalie, c’est devenu une réalité depuis septembre dernier. Il faut d’ailleurs noter que cette forme d’enseignement se développe aussi ailleurs, notamment à l’Athénée royal Vielsalm-Manhay, à l’école libre Saint-Laurent de Grand-Halleux et à Saint-Joseph, à Vielsalm.

(Avec L'apiculteur Georges Dejalle devant son rucher à Grand-Halleux. Photo école communale de Vielsalm)

La pratique suscite la curiosité. Parfois une certaine perplexité. C’est qu’il s’agit d’une petite révolution ! 

Mais, finalement, connaît-on vraiment ses tenants et ses aboutissants ?

Mieux en cerner les rouages et les arcanes, c’est la modeste ambition de l’interview que vous allez lire. Un grand merci à Brigitte, Mélody et Nathalie, pour leur confiance, mais aussi pour la sincérité et la pertinence de leurs propos.

1. On dit souvent que l’enseignement est une vocation. Vous souvenez-vous de la première fois où vous vous êtes dit « C’est ça que je veux faire plus tard » ?

Les trois enseignantes s’accordent quant au fait qu’elles n’emploieraient pas vraiment le terme de « vocation » en ce qui les concerne. 

Brigitte : « J’ai fait un choix d’études et c’est lorsque j’ai mis les pieds dans une classe lors de mes premiers stages que j’ai su que j’avais fait le bon choix. J’enseigne maintenant depuis 17 ans et je ne me vois pas dans un autre domaine que l’enseignement. »

Mélody : « J’ai découvert ma “vocation” lors de mes stages en maternelle en tant qu’agent d’éducation. Ensuite, après mes 3 années d’étude en tant qu’institutrice maternelle à Bastogne, j’ai voulu aller plus loin dans ma formation en me lançant vers la passerelle d’institutrice primaire : j’ai adoré et je n’envisage plus le retour vers le maternel. »

Nathalie : « J’ai quitté le milieu de l’enseignement pendant de nombreuses années pour des raisons familiales. J’ai par la suite ressenti le besoin de m’y replonger. Je suis aujourd’hui certaine d’avoir fait le bon choix : je contribue à l’épanouissement des personnes qui m’entourent. »

2. Comment vous est venue l’idée de l’école du dehors ?

« L’idée de mettre en place ce projet s’est faite progressivement, expliquent les 3 institutrices. Nous avons à cœur de rendre les élèves acteurs de leurs apprentissages et nous sommes convaincues que c’est en manipulant que les enfants comprennent les choses. Les choses prennent une autre dimension quand on les vit. Par ailleurs, le fait d’avoir repris des études, d’avoir eu des enfants, nous a fait prendre conscience de l’importance de sortir, de “prendre l’air”…

La société dans laquelle nous vivons nous oblige à courir sans cesse ; les réseaux sociaux, les écrans font partie de la vie des enfants dès le plus jeune âge. Nous avions envie que l’école leur apporte autre chose en reprenant le temps de découvrir ce qui les entoure. Alors, puisque ce type d’enseignement a fait ses preuves dans des pays nordiques, pourquoi pas chez nous ? »

(29 août 2023, première sortie pour l'école du dehors. Photo E.C. Vielsalm - Rencheux)

3. Concrètement, comment se passe cette forme d’enseignement ?

« Notre projet est mis en place sur deux implantations à classe unique de la commune, l’implantation d’Hébronval et celle de Rencheux. Pour le primaire, nous sommes trois institutrices et nous travaillons ensemble sur les deux écoles. L’implantation de Rencheux comporte une classe maternelle et nous travaillons également en cycle avec les petits et les plus grands…

Notre objectif est de sortir un maximum avec les élèves, tout en veillant à respecter le programme imposé. Nous avons donc repris nos cours, nos référentiels et nous imaginons chaque activité avec en tête l’idée suivante : “Comment pourrait-on voir ça autrement, en sortant des murs de la classe ?” Bien sûr, certaines matières se travaillent moins facilement dehors, mais plus on avance, plus on arrive à trouver quelque chose à faire à l’extérieur. »

Trois types de sorties sont pratiqués : une matinée ou une après-midi ; des activités spontanées qui durent tantôt quinze minutes, tantôt une heure et des sorties plus loin, à la découverte d’endroits comme un marché local ou un musée. « En fonction des matières à aborder, nous réalisons des projets avec les enfants qu’ils mènent de A à Z », précisent les institutrices. 

4. J’imagine que basculer d’un enseignement classique vers l’école du dehors ne s’est pas fait en un claquement de doigts... Pourriez-vous évoquer dans les grandes lignes la façon dont le projet est sorti de terre ?

« En effet, nous avons mis un an pour le concrétiser. Nous en avons fait part à tous les enseignants des écoles communales. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvées à trois embarquées dans l’aventure. Nous enseignions au sein des écoles communales et nous avons eu l’occasion de travailler dans la même implantation à un moment donné de notre carrière.

Il était indispensable à nos yeux de réaliser un vrai travail de collaboration, de co-enseignement pour parvenir à proposer aux enfants des activités en extérieur qui se veulent régulières et sécurisées. Lorsque nous avons eu le “feu vert” pour lancer le projet, nous en avons parlé, nous avons réalisé des séances d’information… Nous avons fait beaucoup, beaucoup de réunions pour parvenir à gérer nos horaires, nos activités, pour se mettre en contact avec des personnes ressources… »

5. Selon vous, tous les enseignants et tous les enfants sont-ils réceptifs à ce type d’enseignement ?

« Nous pensons effectivement que cette façon de travailler est bénéfique pour tous les enfants ! Il faut savoir que dans nos deux écoles, 50 % des élèves sont venus pour ce projet parce que leurs parents étaient à la recherche de cette manière de travailler.

Comme nous l’avons souvent répété, nous n’avons pas l’intention de former une classe de guides nature. Nous avons la volonté de leur proposer des méthodes qui leur permettent de bouger, de sortir… tout en sachant qu’il y a également des moments où on doit travailler en classe et des matières que l’on doit aborder… Nous avons dans nos écoles des élèves très différents et les retours que nous avons sont très positifs jusqu’à présent.

En ce qui concerne les enseignants, nous pensons que pour mener à bien tout type de projet, il faut “le sentir”. Cela demande beaucoup de temps de réflexion, de concertation, de préparation pour mettre en place les activités… Si ce n’est pas quelque chose que l’on a réellement envie de faire, nous ne pensons pas que ce soit jouable. »

6. Avec un peu de recul désormais, si vous deviez dresser un premier bilan, que diriez-vous ? Quels sont les points forts, mais aussi les points faibles que vous avez observés ?

« Nos points forts sont également nos potentielles faiblesses. En effet, nous sommes convaincues que ce projet est viable parce que nous travaillons ensemble… Notre plus gros point fort est que nous sommes trois enseignantes, avec trois parcours différents et que nous nous complétons l’une l’autre… 

La grande chance que nous avons est que les parents de nos élèves sont demandeurs ou en tout cas réceptifs et impliqués… Les enfants sont bien équipés pour sortir à tous les temps ! Cela pourrait être un frein, mais dans notre cas, il s’agit plutôt d’une force.

Si nous devions faire un bilan à ce stade de développement du projet, il serait positif dans le sens où nos attentes de départ sont rencontrées. Nous remarquons en effet que les découvertes réalisées en classe du dehors marquent les enfants et que ce sont des notions qu’ils retiennent et qui semblent bien ancrées dans leurs mémoires… Nous les voyons motivés et demandeurs et ça, c’est déjà une bonne partie du chemin accomplie. Leur enthousiasme nous encourage à poursuivre sur cette voie… »