Au conseil communal du 27 mars 2023 (suite) : maison médicale, 1733 et pénurie de médecins généralistes
Jérôme Derochette et Jacques Gennen
(suite et fin du compte rendu de la séance du conseil communal du 27 mars 2023, compte rendu publié dans le numéro 26 du mensuel salmien les Nouvelles de Salm)
Urgence d’une maison médicale, pénurie de médecins généralistes, mauvais fonctionnement du 1733
André Boulangé, kiné de profession, intervient sur un sujet qui le préoccupe beaucoup : « Monsieur le bourgmestre, dans le cadre de mes activités professionnelles, je suis amené à engager diverses conversations avec des patients et depuis quelque temps, un nombre sans cesse grandissant, de tous les âges, m’interpelle à propos des soins de santé dans la commune.
Je vous rapporte les grandes lignes de leurs propos. Plusieurs médecins plus ou moins âgés ont cessé leur activité, d’autres, déjà en surcharge de travail, annoncent leur volonté de limiter leur patientèle. Certains dirigent les patients vers les urgences de nos plus proches cliniques. Et d’autres enfin recommandent les maisons médicales où les rendez-vous répondent à l’attente du patient.
Les Salmiens et bien d’autres sont secoués par cette situation angoissante et l’inquiétude croît proportionnellement avec l’âge des interlocuteurs qui se demandent quand on verra la maison médicale dont on parle depuis déjà longtemps. Rien n’a été prévu à la Bouvière, alors que depuis 10, 15 ou même 20 ans, donc bien avant sa construction, on évoquait déjà la problématique de pénurie de médecins dans la région. D’autres bâtiments comme l’ancien bâtiment des Finances et l’ancienne MRS, idéalement situés, disposant de vastes parkings et desservis par les transports en commun, sont suffisamment attrayants pour accueillir de jeunes généralistes.
La Maison Lambert, au centre de Vielsalm, pourrait aussi, dans un premier temps et sans grands frais d’aménagement, être mise à disposition d’une permanence médicale. Certaines communes voisines, plus petites que la nôtre, dotées de moins d’atouts disposent déjà d’un système de permanence. Enfin, certains de mes patients font appel à d’anciens praticiens qui reprennent du service, sauvant ainsi des situations de détresse, souvent rencontrées chez les personnes âgées. D’autres signalent avoir été témoins de vacanciers se retrouvant démunis d’aide médicale. »
À la fin de son intervention, André Boulangé reviendra encore sur la problématique de la médecine générale dans notre commune : « 10 médecins consultent sur notre commune. Tout le monde connaît l’âge de ceux-ci et les difficultés et desiderata des jeunes médecins.
Demain, que ferons-nous si certains praticiens ayant atteint l’âge de la pension décident de prendre du recul et d’enfin profiter d’une vie apaisante bien méritée ? Vous êtes un grand politicien et un bourgmestre de plein pouvoir, une solution d’urgence s’impose face à cette problématique. À quand une maison médicale à Vielsalm dotée d’un service permanent ? Qu’en pensez-vous, Monsieur le bourgmestre ? »
André Boulangé fait allusion aux projets hospitaliers de Vivalia : « Voici autant de questions, de suggestions, d’interrogations partagées très souvent parmi ma patientèle. Dans le domaine des soins, mes patients évoquent également le nouvel hôpital de Vivalia à Houdemont dont on parle depuis plusieurs décennies et pensent attendre encore une décennie avant de voir fonctionner ce nouvel outil. Certains doutent même de son opportunité.
En effet, les médias relatent assez souvent les faits. Les Arlonnais et la plupart des “sudistes”, bourgmestres en tête, défendent becs et ongles leurs importantes et efficaces infrastructures hospitalières à moins de 30 km de Houdemont. Dans un même temps, à Marche, à une quarantaine de kilomètres de Houdemont, TVLux dévoile la construction d’une nouvelle aile hospitalière comprenant un bloc opératoire de pointe. Marche est située à plus ou moins 40 km de Namur, de Bouge, de Liège où il existe déjà des centres hospitaliers performants. Ces distances sont comptées à vol d’oiseau ou à vol d’hélicoptère.
Il faut bien reconnaître que la construction de ce nouvel hôpital à Houdemont, qui a fait l’objet de maintes hésitations depuis très longtemps, est un peu comme un serpent qui se mord la queue, me fait-on remarquer. Loin de moi l’idée de remettre en cause ce nouvel hôpital Vivalia Centre-Sud, mais ces propos de plusieurs de mes patients me touchent. Je voulais vous les rapporter. »
André Boulangé n’en reste pas là et évoque la polyclinique et le 1733 : « D’autres encore s’interrogent sur l’avenir de notre polyclinique. Certains services travaillent au ralenti et des spécialistes très appréciés pourraient déserter. Bref, Houdemont est sans doute bien le centre démographique de la province, mais chez nous ou à Durbuy, nous sommes en terre excentrée, à plus de 60 km de Houdemont. Beaucoup de Salmiens garderont sûrement leurs habitudes de fréquenter les petites cliniques voisines.
Que dire du 1733 ? Un service de garde avec des questions au bout du fil. Comment respire le patient ? Imaginez-vous, une personne de 86 ans de Joubiéval, son épouse est au sol, plus de 3 h d’attente et finalement l’arrivée d’une ambulance de La Roche. Pathologie très lourde pour un autre patient qui se morfond en attendant son injection de morphine : un médecin de garde de Theux arrive 5 h plus tard.
Plusieurs parmi nous ont déjà enregistré pareils commentaires : rien n’est parfait. Pourriez-vous tenter quelques réponses à ces interrogations ? S’il est vrai que le sujet concernant un nouvel hôpital à Houdemont nous impacte un peu moins, celui relatif à la pénurie des médecins généralistes inquiète à raison bon nombre de Salmiens. »
Intervention du bourgmestre
Élie Deblire : « C’est un sujet dont vous avez déjà parlé. C’est une préoccupation qui vous tient à cœur. Il y a deux débats. Vous avez un débat Vivalia et les choix qui ont été faits et qui ont été partagés par de nombreux politiques : le développement de l’hôpital à Marche et toute la problématique d’Houdemont qui est plus complexe, comme vous l’avez souligné, puisque le permis n’a pas été délivré. Il y a donc une procédure de recours, décidée par le Conseil d’administration de Vivalia.
(NDLR, au moment où ce débat est publié sur salm.be, il faut préciser que le permis a été délivré pour Vivalia 2025)
Les communes du sud se battent pour que ce projet ne voie pas le jour, mais au niveau du conseil d’administration de Vivalia, il reste une majorité qui y croit. Dans ce projet, il y a une place pour Vielsalm. Nous avons notre place avec la nouvelle MRS et la polyclinique. Il y a manifestement des problèmes liés à la disponibilité des spécialistes qui ne se déplacent plus beaucoup dans les petites cliniques.
Je ne ménage pas mes efforts au niveau de Vivalia pour qu’on maintienne un maximum de services et pour renouveler les outils. Il y a évidemment dans les projets une nouvelle polyclinique à Vielsalm. Mais il y a aussi toute une série de problèmes, ce qui préoccupe Vivalia, c’est d’abord Houdemont et sa finalisation.
Au budget 2023, notre nouvelle polyclinique apparaît toujours. Le projet n’est pas oublié, il n’est pas effacé, et il y a toujours l’idée d’y faire de la place aux médecins. La maison médicale, j’y souscris dès demain à partir du moment où j’ai des jeunes médecins sous la main. Tous ces jeunes ne sont pas nécessairement intéressés. Mais du jour au lendemain, si deux ou trois jeunes médecins veulent travailler ensemble, on a la capacité de pouvoir trouver une solution rapide.
Je suis conscient des difficultés du 1733 que vous évoquez. Ce n’est pas uniquement le cas chez nous. Ce sont des situations difficiles à vivre, qu’on me relate, comme cette personne victime d’une crise cardiaque et qui a dû attendre le SMUR de Bastogne.
Notre commune n’est pas renseignée comme étant en pénurie et donc les aides financières que peuvent recevoir les médecins qui veulent s’installer ne sont pas aussi intéressantes que dans des communes qui sont reconnues en pénurie. Nous avons encore beaucoup de médecins, mais qui sont âgés et ne font plus les gardes. Ils n’ont pas la même disponibilité et n’acceptent pas toujours de nouveaux patients, donc ça réduit le champ d’action. »
Anne-Catherine Masson dont la fille Louise est en 5e année de médecine, confirme : « Certains médecins qui se disent pensionnés conservent leur numéro INAMI alors qu’ils limitent leur activité. L’examen d’entrée va en outre se transformer en concours, ce qui va limiter encore plus le nombre d’étudiants en médecine. Des étudiants qui vont entreprendre les cours pendant 6 années auxquelles s’ajoutent 3 ans de spécialisation, la médecine générale étant considérée comme une spécialisation. Et il y a toujours ce numerus clausus qui limite le nombre de candidats médecins ! »
André Boulangé : « Merci de ces informations, mais il y a urgence ! Quand on prend rendez-vous chez un médecin, c’est parfois 8 jours d’attente. On a beaucoup de médecins âgés et quand ils partiront, que fera-t-on ? »
Élie Deblire : « Pour des régions comme les nôtres, tant qu’on ne revoit pas les quotas de médecins au niveau fédéral, la situation ne changera pas. Le Fédéral bougera quand il y aura des problèmes en Flandre. Croyez bien qu’on est conscient du problème que vous soulevez. »
Il est encore question de la fourniture de médicaments à la MRS La Bouvière.
André Boulangé enchaîne : « En 2019, les pharmacies locales perdent le marché concernant la fourniture de médicaments à la MRS La Bouvière au profit d’une officine de Bièvre. Je vous avais déjà interpellé à ce sujet et vous deviez nous revenir, mais cela n’a pas été fait. Qu’en est-il de ce contrat avec cette pharmacie ? Va-t-elle continuer parce que faire des bénéfices avec autant de kilomètres, ça semble compliqué ? Peut-on espérer que nos pharmacies locales récupèrent le marché ? »
Élie Deblire : « Le fournisseur actuel a été mis en défaut à plusieurs reprises : tout n’a pas été respecté, mais il y a eu des changements. Nous n’avons pas eu l’occasion de rompre le marché puisqu’à chaque fois les améliorations requises ont été apportées.
C’est donc toujours cette pharmacie qui livre, mais un nouveau marché va être relancé et nous avons insisté pour que nos pharmacies puissent remettre leurs offres et on espère que ces offres seront bien charpentées. Les choses vont être possibles, mais ça reste un marché public. »
Jacques Gennen confirme les dires du bourgmestre et rappelle que les difficultés rencontrées ont fait régulièrement, comme d’autres, l’objet d’une évaluation lors des réunions du comité d’accompagnement de la MRS.
On en reste là sur des thématiques importantes qui reviendront encore sur la table du conseil communal !