Belle commémoration du 11 novembre 2019 à Goronne !
Sous un vent piquant et un froid de canard, on s’est retrouvé à Goronne avec des habitants de Goronne et d’Arbrefontaine, comme chaque année pour une belle commémoration, en présence des enfants de l’école communale et de leurs enseignantes qui ont cette fois encore chanté la Brabançonne. Un moment toujours émouvant…
Les bourgmestres de Vielsalm et de Lierneux étaient notamment présents à cette commémoration qui est en réalité un hommage aux victimes civiles et militaires des deux grandes guerres.
En écoutant l’appel aux morts et le discours du bourgmestre Élie Deblire, discours de mémoire mais aussi d’espoir et son appel à la paix et à la tolérance, j’ai eu une pensée particulière pour deux jeunes habitants de Goronne, Armand Leblic qui a perdu la vie au cours d’un saut en parachute et Gilbert Maréchal mort quasiment dans les bras de mon papa, son ami, lors d’un engagement avec l’ennemi au moment de la prise du pont de Remagen en mars 1945.
Et j’avais aussi à l’esprit la lettre écrite par Missak Manouchian à sa femme Mélinée, à la veille de sa mort et dont Louis Aragon s’est inspiré pour écrire un beau poème.
Missak Manouchian est arménien d’origine (son père a d’ailleurs perdu la vie dans le massacre de la population arménienne perpétré par des militaires turcs). Communiste engagé dans les luttes populaires, il deviendra pendant la guerre responsable des FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans Immigrés) et sera fait prisonnier par la police française aux ordres de la Gestapo et fusillé le 21 février 1944 comme d’autres de ses camarades résistants immigrés.
C’est en 1955 que Louis Aragon a écrit le poème Strophes pour se souvenir que Léo Ferré a mis en musique et chanté sous le titre L'Affiche rouge, une affiche de la propagande raciste de Vichy et de l'occupant allemand présentant les portraits des fusillés comme des gangsters étrangers clandestins.
J. Gennen
Strophes pour se souvenir (Louis Aragon)
« Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant »