Transition, droits humains, alimentation durable avec Olivier De Schutter à Vielsalm !

(Manifestation du mouvement Tout Autre Chose le 20 mars 2016, pour « stopper la progression d'un modèle sociétal qui valorise la compétition et l’individualisme, accentue la pression sur les plus faibles, déshumanise les rapports entre les êtres humains et se fout du long terme »)

Belle initiative de la part d’Ecolo-Vielsalm que cette invitation du juriste Olivier De Schutter, professeur à l’UCL et ancien rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies !

La conférence aura lieu le 24 janvier 1919 à 20h à Neuville.

Spécialiste des droits de l’homme, des droits humains comme on dit aujourd’hui, et particulièrement du droit à l’alimentation, Olivier De Schutter ne se contente pas d’une parole universitaire d’« en haut », il est aussi un homme de terrain et s’implique dans des projets collectifs locaux, à Verviers par exemple, comme le montre la vidéo ci-dessous.

La Transition, l’urgence climatique, le développement durable, autant de défis qui se retrouvent au cœur d’initiatives locales et de manifestations de plus en plus nombreuses.

Repenser la Transition...

Les initiatives citoyennes, à l’échelon local, sont certes nécessaires, mais insuffisantes.

Olivier De Schutter le souligne lui-même dans imagine-magazine.com lorsqu’il évoque de telles initiatives locales « plus ou moins déconnectées des impératifs marchands » et qu’il ajoute : « … il est urgent de repenser la Transition autrement – non pas en opposant ces approches, mais en misant sur leur complémentarité, et en concevant la Transition de manière plus hybride et plus articulée en envisageant l'État comme « facilitateur » partenaire d'actions collectives portées par la société civile, en travaillant sur la co-construction, en développant des modes de gouvernance davantage participative, etc. » 

Dans cette interview, Olivier De Schutter évoque également le rôle de l'État « qui doit s'abstenir de prendre les citoyens comme des pions placés sur un échiquier que l'on manipule de l'extérieur.

Il doit les soutenir, encourager leur autonomie, et même leur donner le droit de se tromper. Il doit permettre une démarche réellement participative, qui encourage. Faire en quelque sorte de la démocratie une « pédagogie ». »

L’hyper-responsabilisation individuelle

Aujourd’hui, il est de plus en plus question de responsabilité individuelle lorsque certains évoquent ces grands défis, une notion bien dans l’air du temps néolibéral que l’on connaît.

Sans nier l’importance de la responsabilité individuelle, j’estime cette vision bien trop étroite.

Voici des extraits de l’opinion bien intéressante de Violaine Wathelet, doctorante au Centre d'étude de l'opinion de l'Université de Liège, publiée dans La Libre du mercredi 9 janvier 2019.

Elle commence fort : « Nous portons tous la responsabilité du désastre actuel et futur. Mais en mettant le curseur sur l’individu, on oublie de questionner radicalement notre système de production et l’inaction des grands groupes capitalistes. »

Et de voir « dans l’hyper-responsabilisation écologique trois véritables écueils : elle a tendance à mettre le curseur du changement uniquement sur l’individu, elle invisibilise les premiers responsables et ne questionne pas radicalement notre système de production. »

Elle souligne encore : « Oui, il y a des changements dans toutes les petites communautés, réseaux qui forment notre société. Mais on ne m’enlèvera pas l’idée que les changements radicaux, c’est-à-dire ceux qui modifient les racines, proviennent de décisions politiques et donc de décideurs. "La minorité décidée" qui a le pouvoir aujourd’hui ne semble pas si décidée que cela. L’hyper-responsabilisation serait-elle donc une forme de déresponsabilisation de nos États ? L’idéal libéral poussé à un tel extrême que plus rien, même la sauvegarde de notre planète, n’est du ressort de notre aptitude à faire du collectif ? »

Les grands responsables du désastre écologique

Violaine Wathelet : « Peut-on rappeler que 50 % des gaz à effet de serre sont, par exemple, produits par cinquante entreprises ? Ou que l’agrobusiness est en train de littéralement détruire la forêt amazonienne ? L’hyper-responsabilisation écologique individuelle, en mettant le curseur sur l’individu, en accentuant notre responsabilité ou notre culpabilité, tend à invisibiliser "cette minorité décidée" composée par les grands groupes capitalistes dont la capacité à modifier le cadre collectif est, d’ailleurs, impressionnante. Nous avons tous et toutes une part de responsabilité dans l’épanouissement de notre planète, mais il est grand temps que ceux et celles qui sont coupables de la majorité des dégâts écologiques et sociaux modifient fondamentalement leur mode de production. »

Débat écologique, justice sociale et redistribution des richesses

Violaine Wathelet : « Ce qui nous amène au dernier écueil, sans doute le plus important. L’hyper-responsabilisation écologique se centre exclusivement sur l’urgence écologique. Et y répond par des actes de réparation. Réparer, c’est conserver un système sans le requestionner. Or le débat écologique ne peut avoir lieu sans mobiliser celui de la justice sociale.

Sortir l’écologie des questions de redistribution des richesses, des rapports de pouvoir et des finalités de notre système économique, c’est une manière de ne plus les poser, de faire croire que la solution passera uniquement par des changements "technologiques". Or le drame écologique que nous vivons n’est que le résultat d’un mode de production capitaliste libéral et néolibéral à peine séculaire. Il fait donc partie intégrante des logiques économiques qu’il est urgent de redéfinir radicalement. On ne peut plus faire comme s’il n’était qu’une externalité négative qu’il suffirait de soigner indépendamment du reste. »

J’adhère à cette manière de voir et je suis convaincu que le changement passe aussi par un renforcement des corps intermédiaires (mutuelles et organisations syndicales) associés notamment à des organisations fédératrices des initiatives locales et à d'autres comme le Collectif Tam Tam ou encore le mouvement Tout Autre Chose !

Jacques Gennen, le 17 janvier 2019

http://www.imagine-magazine.com/pdf/123_OlivierDeSchutter.pdf

 

 

Video: