Au conseil communal de Vielsalm, débat sur les caméras de surveillance et sur l'utilisation des chèques commerces

Jérôme Derochette et Jacques Gennen

Voici la suite du compte rendu de la séance du 24 mars 2021.

Des caméras de surveillance qui divisent !

Le premier échevin Thibault Willem rappelle qu'à la suite d'un appel à projets lancé par la Région wallonne, le dossier présenté par notre commune a été retenu (contrairement à celui qui concerne les pistes cyclables, déplore le premier échevin). 

Le conseil communal doit se prononcer sur l’acquisition du matériel (les modalités d’utilisation seront débattues plus tard). Deux modèles de caméras sont concernés, pour un montant total évalué à 26.500 euros TVAC. Tout d’abord, deux caméras mobiles autonomes qui seront dans un premier temps placées autour du plan d’eau. Elles sont fournies avec système de monitoring, un programme de visionnage adapté, la possibilité de demander une maintenance et la formation du personnel qui n’est pas à négliger pour ce type de matériel.

Il y a ensuite des caméras invisibles, avec capteurs de mouvement. Il s’agit de caméras avec prise d’images de courte durée sur base d’un mouvement. L’objectif est de mener une chasse contre les dépôts sauvages sur différents points noirs qui ont été identifiés et de prendre les personnes la main dans le sac. Il est question de faire de la prévention et de la sensibilisation, mais aussi de la répression si toutes les conditions sont réunies. 

(Dans la maison communale, future salle de contrôle des caméras de surveillance ? Je plaisante évidemment..."Big Brother vous regarde" (1984, Georges Orwel), ce n'est pas (encore) pour nous)

Stéphanie Heyden : « Le conseil sera ensuite amené à voter un règlement, c’est bien cela ? »

Thibault Willem : « Non, pas un règlement, mais une autorisation avec des conditions bien définies. »

Le bourgmestre : « C’est évidemment la zone de police et l’agent constatateur qui vont piloter tout cela. » 

François Rion : « On aurait préféré être retenu pour le projet Wallonie cyclable que pour des caméras même si ça vient d’un ministre écolo aussi. Vous savez ce qu’on en a déjà dit au moment du budget : on n’en veut pas. 

On ne comprend pas, à une époque où on fait un ramdam sur la protection des données et de la vie privée, qu’on nous glisse parallèlement à ça des caméras pour regarder si notre chien n’a pas pissé sur un arbre.

Quand elles seront là, on s’en servira plus que nécessaire. Les drones ont été utilisés par la police l’été dernier pour vérifier la distanciation sociale et le port du masque. Il vient toujours un moment où on utilise la technologie à mauvais escient quand elle est là pour nous espionner. Et ce sera la même chose à Vielsalm avec ces caméras. On ne donne d’ailleurs pas cher de leur longévité et de toute la complication que va amener leur déplacement. 

Quant au fait que la Commune n’a pas été retenue pour le projet Wallonie cyclable, je vous rappelle que vous avez eu tout ce que vous vouliez de René Collin quand il était ministre et maintenant il ne l’est plus ; les autres ministres font autre chose, c’est comme ça, vous n’allez pas essayer de changer les règles du jeu, pas vous quand même ! » 

Elie Deblire : « Il ne s’agit pas de fliquer des personnes et d’avoir des attitudes irrespectueuses. Il faut aussi penser aux bénévoles qui se mettent au service de notre commune dans le cadre du plan propreté et je n’ai pas envie qu’il y ait un découragement. 

On a de plus en plus de gens qui viennent nous trouver en nous disant « que faites-vous pour trouver les responsables ? ». C’est important d’accompagner aussi ces bénévoles au bénéfice de chacune et de chacun. 

Je ne suis pas non plus un grand défenseur de ce type d’outil, mais on constate malgré tout pas mal d’incivilités et il faut trouver des solutions. Pas pour mettre fin au problème, il ne faut pas rêver, mais pour pouvoir dire que nous mettons des choses en place pour que cela change. L’utilisation des caméras doit être claire : elle doit pouvoir aider l’agent constatateur et la police, mais il ne faut certainement pas en abuser. J’y veillerai. »

Jacques Gennen : « Moi aussi, je suis réservé par rapport à l’utilisation de cette technologie et je rejoins François. J’avais déjà évoqué lors d’une précédente séance l’importance de l’intervention du conseil communal dans l’adoption d’un règlement dans le cadre de l’utilisation de caméras. 

Je pense aussi que nous avons besoin d’une évaluation régulière de l’usage, mais aussi des résultats de ces caméras, tout en préservant, évidemment, la vie privée. 

Vous savez combien il y a de débats, pour l’instant, sur la nécessité de protéger la vie privée et je ne voudrais pas que nous connaissions des dérives, même si on sait que d’autres communes ont déjà recours à l’utilisation de ces caméras. »

Elie Deblire se dit sur la même longueur d’onde que Jacques Gennen. 

François Rion : « Je rappelle que vous-même, Monsieur le Bourgmestre, vous aviez dit être assez réservé sur l’utilisation de ce type d’outil. Je crois que ce qui vous ferait mal, Monsieur le bourgmestre, ce serait de passer à côté d’une subvention, quelle que soit la finalité. »

Elie Deblire : « Ce n’est certainement pas ça qui nous guide, mais je vous laisse la responsabilité de vos propos. » 

Thibault Willem précise : « L’objectif n’est pas de fliquer les gens, des panneaux les informeront qu’ils sont susceptibles d’être filmés. Les caméras pourraient d’ailleurs être contre-productives par rapport à la volonté de limiter les dépôts car on pourrait assister à leur migration. Mais l’objectif n’est évidemment pas d’espionner. » 

Anne Klein : « Peut-on imaginer que ces caméras ne fonctionnent pas en mode non-stop, qu’on les coupe quand on a trouvé des coupables ? » 

Thibault Willem : « Oui, c’est évident que c’est le principe. » Et il ajoute encore : « Il faut savoir que plus de 200 communes ont répondu à l’appel de la ministre Tellier, c’est bien la preuve qu’il y a un problème. »

Le groupe Écolo vote contre l’acquisition de ce matériel. Pour les autres groupes, le vote est favorable. 

Chèques commerces : suite et fin ?

Lors de la séance du 5 octobre 2020, un débat a déjà eu lieu sur la légalité de certains aspects de l’opération chèques commerces à la suite d’un avis de légalité défavorable de la directrice financière. 

Le débat est relancé à la suite de la communication au conseil communal d’une décision prise sous la responsabilité du collège, malgré un nouvel avis défavorable de la directrice financière, de verser 66.435 euros au profit de l’Agence de Développement Local (ADL), dans le cadre de l’opération chèques commerces.

A Stavelot, et Malmedy, une chasse aux chèques commerces (remplaçant la traditionnelle chasse aux œufs de Pâques) a été organisée avec la collaboration de certains commerçants.

A Vielsalm, comme on le verra dans le débat qui suit, pas de chasse aux chèques commerces mais des questions concernant notamment des chèques imprimés dont on ne trouve pas la trace selon Stéphanie Heyden, un avis non partagé par le bourgmestre. Les deux s’expliquent dans le débat qui suit.   

Élie Deblire donne quelques précisions : « Nous avons distribué des chèques pour environ 121.000-122.000 euros. Les commerçants qui sont conventionnés avec l’ADL rentrent les chèques et il faut évidemment restaurer la trésorerie de l’ADL. Vous savez que notre directrice financière n’a pas adhéré à ce projet et à cette façon de voir les choses et donc le Collège doit prendre ses responsabilités et verser les sommes dues à l’ADL. Voilà, c’est une communication. »

Stéphanie Heyden : « Oui, c’est une communication, mais il y a aussi un nouvel avis de légalité défavorable. On ne peut que s’interroger, non pas évidemment sur la pertinence et le bien-fondé de l’initiative qu’on continue de saluer et qui a d’ailleurs vu le jour dans de nombreuses communes, à la suite de la crise sanitaire et économique que nous subissons. 

Mais c’est interpellant de voir que la directrice financière délivre un avis de légalité défavorable sur la décision du Collège visant à rembourser à l’ADL le montant des chèques remis par les commerçants, surtout quand on lit ses propos.

Je cite : « À la lecture des documents fournis, il n'est pas possible de contrôler que le bénéficiaire du chèque repris sur le listing a bien reçu ce chèque. La signature du bénéficiaire en regard de son nom aurait validé la réception du chèque. Sur les listings, apparaissent divers ajouts manuels. Toute réclamation aurait dû être, à tout le moins, rapportée au Collège, qui sur base d'un règlement voté par le Conseil, aurait pu être l'organe compétent pour les traiter. Un juste contrôle aurait été de lier chaque chèque, par son numéro, à l'habitant l'ayant reçu et au commerçant en ayant bénéficié. Ce lien n'a pas été établi et rend tout contrôle impossible. Mon avis de légalité sur l'octroi avait déjà été défavorable pour les raisons expliquées dans mon avis du 26 septembre 2020. »

À la lecture de cet avis de la directrice financière, on s’interroge. Pour quelles raisons ces ajouts manuels dans les listings ? Y a-t-il eu une distribution de chèques à des personnes non inscrites ? Un listing aurait pu par ailleurs être validé en Collège. D’où l’importance d’un règlement qui aurait dû être adopté par le conseil communal. » 

Stéphanie Heyden n’en reste pas là : « Alors, effectivement, on a lu que dans sa délibération du 1er février, le Collège valide un montant de 121.675 euros. Or, des chèques ont été imprimés pour 145.750 euros. Il y a donc des chèques imprimés qui n’ont pas été distribués. 

Que compte-t-on en faire et, surtout, où sont-ils ? La directrice financière dit avoir interrogé le CPAS, mais ils n’y sont pas. Ils ne sont pas non plus à l’ADL. Où sont-ils ? Il y a un delta de 23.000 euros. 

Pour moi, il y a un dysfonctionnement majeur. Il aurait fallu adopter un règlement précis pour organiser cette distribution et répondre aux exigences de légalité, de clarté et de transparence rappelées par la directrice financière. Malheureusement, celui qui a été adopté en conseil d’administration de l’ADL ne répond pas du tout à de telles exigences, c’étaient des propositions, et je crois que c’est finalement le conseil communal qui aurait dû adopter un tel règlement compte tenu de l’engagement financier de la Commune. 

Nous ne pouvons que regretter qu’une proposition en ce sens n’ait pas été faite par le Collège en concertation avec la directrice générale et la directrice financière. Bref, tout cela a déjà fait l’objet d’un débat en séance du 5 octobre 2020. Pour moi, il y a de l’ombre dans ce dossier. Je ne comprends pas tout. Moi, j’ai assisté en tant qu’échevine à ces collèges, je trouve que sur certains dossiers vous étiez extrêmement pointilleux et ici, je trouve que ce n’est pas clair du tout. Cet avis de légalité défavorable, c’est quand même plus qu’interpellant. »

(Des commerces, un bar, une terrasse, des musiciens, de la convivialité. On est impatient de retrouver tout cela!)

Élie Deblire : « Ce n’est pas un deuxième avis, il s’agit du même avis, nous sommes bien dans le même dossier. À partir du moment où elle n’a pas marqué son accord sur la façon dont les chèques ont été distribués, il est logique qu’elle suive son raisonnement. Le règlement a bien été adopté par l’ADL et son bureau. 

En ce qui concerne les signatures, moi j’y vois un souci, un souci important. Si les personnes qui reçoivent le chèque doivent signer, ça veut dire qu’on sait identifier le choix des personnes quand elles vont dans un commerce, ce qui va à l’encontre du règlement sur la protection de données et de la vie privée. Il faut s’en inquiéter. 

Quant aux ajouts, je m’en suis déjà expliqué, le jour de la distribution, il manquait des chèques à certains endroits, on les a donc ajoutés. Des bénévoles les distribuaient. Il n’y a pas de problème par rapport à ça.

Quant à la différence entre les 122.000 euros et les 145.000 euros, je peux évidemment mettre les chèques à votre disposition à l’ADL. Je peux certainement vous les montrer. »

Le bourgmestre poursuit : « Mais il y a aussi d’autres chèques qui ont été distribués, qui eux ne seront pas rémunérés, ne seront pas remboursés par la Commune.  Il s’agit des chèques qui ont été donnés à des entreprises en fin d’année (comme Les Lavandières, Les Hautes Ardennes et d’autres entreprises privées) et qui ont fait le choix de les distribuer à leurs clients ou à leurs employés. Elles ont acheté des chèques auprès de l’ADL et ils sont identifiés de façon claire et quand ils rentrent au niveau des commerces, ils ne font pas partie des chèques distribués sous le couvert de la Commune. 

Je ne peux que redire les choses telles qu’elles ont été organisées. Je rappelle qu’il y a eu des conventions signées avec les commerçants et que ceux-ci doivent évidemment être remboursés. En ce qui concerne le CPAS, je suis particulièrement très étonné de la remarque de la directrice financière qui disait qu’elle ne savait pas ce que les chèques offerts par les habitants sont devenus. 

C’est vraiment embêtant et il faut apporter une précision. J’ai le procès-verbal du CPAS qui était à la disposition de la directrice financière et qui mentionne bien que les chèques offerts par les citoyens ont été utilisés pour distribuer des repas aux personnes défavorisées en fin d’année. Ce PV a été mis à sa disposition et je ne comprends pas pourquoi on me pose encore la question de ce que sont devenus ces chèques donnés par les citoyens.

Je rappelle aussi que l’ADL, c’est peut-être aussi une interrogation de la directrice financière, est tout à fait autorisée à mener de telles opérations. Son rapport d’activité en faisait état et l’ADL a été félicitée pour toutes ses actions menées et son agrément a été renouvelé jusqu’au 31 décembre 2026. » 

Stéphanie Heyden : « Ce n’est pas le même avis, c’est un deuxième, j’insiste. Vous mettez en doute les dires de la directrice financière par rapport à ses interrogations, notamment par rapport aux chèques offerts au CPAS ; je voudrais juste savoir à quel moment on l’a informée de cette délibération du CPAS. »

Élie Deblire : « C’était une décision du 8 octobre 2020 et la directrice financière est également receveuse du CPAS. Elle était donc bien au courant. »

Stéphanie Heyden : « Le 5 octobre, en séance du conseil communal, vous ne saviez pas encore dire à qui allait aller ces chèques donnés et 3 jours après, le CPAS prend une décision. À nouveau, c’est un peu nébuleux. »

Élie Deblire : « Je n’ai pas à intervenir dans la façon dont le CPAS gère ces chèques donnés. Je n’aurais pas été à ma place pour guider son choix : je pense qu’on peut quand même le comprendre. Chacun, dans un dossier comme celui-ci, doit bien rester à sa place. »

Stéphanie Heyden : « Mais nous avons au conseil communal la présidente du CPAS qui aurait pu nous donner l’information le 5 octobre et on ne l’a pas eue. »

Élie Deblire : « Le procès-verbal date du 8 octobre ; elle n’était donc pas autorisée à donner des informations qui sont décidées dans un conseil du CPAS qui suivait le conseil communal. »

Stéphanie Heyden : « Et donc on est bien d’accord que la directrice financière a bien été informée dès le lendemain du conseil de l’action sociale, le lendemain du 8 octobre ? »

Élie Deblire : « Madame Heyden, non, pas le lendemain. Soyez quand même un peu raisonnable. » 

Stéphanie Heyden : « Oui, d’accord dans les jours qui suivent, mais pas le 20 janvier ? » 

Élie Deblire : « Tout le monde doit être honnête dans un dossier pareil. Moi je suis très clair et très à l’aise dans ce dossier. »

Stéphanie Heyden : « Et c’est pour ça qu’il y a un avis de légalité défavorable, bien sûr. »

Élie Deblire : « On ne peut pas toujours être d’accord. Il faut un moment donné prendre ses responsabilités : en tout cas, moi, je les ai prises. »

François Rion : « Je remercie Stéphanie d’avoir posé des questions aussi précises car c’est vrai que c’est extrêmement nébuleux. Lorsque vous dites que la directrice n’a pas adhéré à vos vues, ce n’est pas la question : elle a prononcé un avis de légalité défavorable, ce n’est pas une question d’adhésion ou sur les sentiments personnels de la directrice financière.

 Il y a bien eu un dysfonctionnement. Le conseil communal devait être consulté sur la mise en œuvre de la démarche même s’il y avait une urgence. On est capable de comprendre quand il y a une urgence. Mais on est aussi capable de comprendre quand on ne consulte pas et qu’on ne demande pas des avis aux gens qui sont censés en remettre, que ce soit les conseillers communaux ou les membres de l’ADL, pour la manière dont la distribution se fera, dont les montants sont fixés, etc.

Il y a quand même eu un « bug » et il est très important que vous en preniez conscience car un avis de légalité défavorable je n’ai jamais vu ça jusqu’alors en bientôt 24 ans de présence au conseil communal. Ce n’est pas anodin ! » 

Élie Deblire : « Il n’y pas eu le moindre dysfonctionnement dans la distribution des chèques commerce, il n’y avait pas d’urgence, la transparence a été totale à l’égard du conseil d’administration de l’ADL et de son bureau, et l’avis de légalité, chacun, dans un dossier comme celui-là, a à prendre ses responsabilités et moi, en tout cas, j’ai donné les explications qui me paraissaient nécessaires par rapport à cet avis. »

On en reste là. Manifestement, le bourgmestre et les chefs de file de la minorité, Stéphanie Heyden et François Rion, ne seront jamais sur la même longueur d’onde à propos des problèmes d’organisation et de transparence relevés par la directrice financière. Il paraît évident qu’ils ne partiront pas en vacances ensemble…